Le 3 Octobre 2022 s’est tenue la soutenance de thèse de Mr Thomas BAUDRY, sur le campus de Poitiers, en vue de l’obtention du grade de « Docteur en Biologie de l’Université de Poitiers ». Les travaux de thèse, intitulée « Evaluation des impacts de l’écrevisse exotique envahissante Cherax quadricarinatus sur les hydrosystèmes de Martinique », ont été menés sur le territoire Martiniquais, au sein du groupe de recherche BIOSPHERES, en collaboration étroite avec le laboratoire Ecologie et Biologie des Interactions (EBI) de Poitiers, sous la direction de Juliette SMITH-RAVIN (Professeure) et Frédéric GRANDJEAN (Professeur). Le jury de thèse était composé de Philippe JARNE (Directeur de Recherche au CEFE Montpellier ; Président du jury), Jean-Marc PAILLISSON (Ingénieur de Recherche HDR à ECOBIO Rennes, Rapporteur), Karine MONCEAU (Maître de Conférence au CEBC La Rochelle, Examinatrice) et Jérôme MOREAU (Maître de conférence à Biogéosciences Dijon, Examinateur).
Cherax quadricarinatus, connue sous le nom vernaculaire de « l’écrevisse bleue », est une espèce originaire du Nord de l’Australie et du Sud de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et est considérée depuis la fin du 20ème siècle comme l’espèce phare pour l’astaciculture (élevage d’écrevisse) en milieu tropical (voir photo ci-dessous). A ce titre, elle a été introduite dans de nombreuses régions du monde et se retrouve maintenant présente dans le milieu naturel, à la suite d’échappées d’élevage ou de relâchers intentionnels, avec des impacts potentiellement dévastateurs sur la biodiversité. Elle fut aussi introduite en Martinique au début des années 2000 en provenance de Cuba afin de redynamiser l’exploitation commerciale des crustacés (Macrobrachium rosenbergii) en eau close devenue infructueuse. Elle trouve sur l’île un environnement optimal pour son développement et a été retrouvée dans le milieu naturel, lors de pêche de suivi de milieu (menées par l’Office de l’Eau et la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Martinique), au début des années 2010.
Les travaux de thèses menés depuis 2018 s’articulent selon 3 axes, avec les objectifs suivants :
- Actualiser la distribution de l’espèce et les densités de population de manière exhaustive sur le territoire,
- Mesurer l’impact de l’écrevisse sur les communautés natives de Martinique
- Etudier le potentiel de bioaccumulation et de décontamination du chlordécone chez quadricarinatus, afin de proposer une alternative à la consommation.
Les résultats ont mis en évidence une large invasion et une forte densité de C. quadricarinatus sur le territoire Martiniquais, avec certains bassins versants totalement envahis (Lézarde, Galion, Rivière Salée …). Les impacts sur les communautés autochtones semblent très forts, notamment sur les mollusques et les crevettes locales, appelées « z’habitant ». La conséquence est la grande perte de biodiversité en zone envahie par l’écrevisse, avec des baisses de densité et des disparitions de population. Enfin, les individus prélevés en milieu naturel présentent un potentiel de bioaccumulation très fort de chlordécone, dépassant largement les seuils fixés par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Malgré les techniques de décontamination mises en œuvre, ceci ne semble pas efficace pour permettre une consommation saine des produits de pêche et de nouvelles approches sont à l’étude (par la cuisson notamment).
Ces travaux ont permis le développement de plusieurs approches méthodologiques novatrices, publiées dans des revues scientifiques à renommée mondiale (3 publications et deux autres en préparation) et ont mis en évidence les dangers (aussi bien écologiques que sanitaires) auxquels sont exposés la Martinique, son écosystème fragile ainsi que la population locale.
Photographie du jury, en distanciel à Fort-de-France, de gauche à droite : Jean-Pierre Goût (DEAL Martinique), Juliette SMITH-RAVIN (Professeure et co-directrice de la thèse) et Alexandre ARQUE (ODE Martinique).